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Petite enfance
  
L’épicerie était un lieu vivant. Il en existait plusieurs dans le village souvent très peu distantes les unes des autres. Chacun avait ses habitudes. Il en était de même pour les autres commerces : bouchers, charcutiers, coiffeurs, merceries, drogueries, boulangers, pâtissiers, poissonniers et tous ces petits métiers qui n’existent plus aujourd’hui tel que la remailleuse de bas. Le bourg d’en haut et celui d’en bas fourmillaient de services indispensables à la vie courante. Aller à Bordeaux relevait d’une exception, sauf pour ceux qui y travaillaient ou pour les enfants qui entraient au collège.
La difficulté pour les habitants « d’en haut » était de descendre vers le fleuve et bien sûr de remonter les côtes. Les moyens de transport, le tramway, plus tard le bus se trouvaient en bas sur les quais.
 
A condition de ne pas faire de bêtises, mes parents me laissaient jouer dans l’épicerie. Je plongeais délicieusement mes mains dans les bacs contenant du riz, des haricots, et autres graines. Dans le coin réservait à la mercerie je jouais avec des bouts de fils, des boutons et petits rubans que maman me donnait avec parcimonie.
J’ai encore en mémoire toutes les odeurs mélangées qui faisaient le charme de ces épiceries d’autrefois. On venait chercher les produits au compte-goutte surtout en ces temps de guerre. Mon père tirait le vin à la barrique faisant « couiner » le robinet en bois.
L’huile se servait à une pompe comme pour l’essence. Le beurre se vendait au poids. La motte était alors sortie de la glacière et à l’aide d’un couteau réservé à cet effet ou mieux avec le fil on tranchait le morceau voulu.
La balance Berkel (que je conserve précieusement) trônait sur le grand comptoir en bois. Quelques années plus tard, juchée sur un tabouret, mon père avec beaucoup de patience, essaya de m’apprendre comment on calculait le prix d’un aliment selon son poids. Je n’y ai jamais rien compris. La caisse enregistreuse, précieux objet du commerçant côtoyait la balance. Elle faisait entendre un joli son musical lorsqu’on abaissait la poignée.
                                                                                                 
 Le matin l’activité était intense. Les livreurs se succédaient dans un rythme rapide. Il y avait le livreur de pains de glace. Soigneusement ganté, il dressait le pain sur son épaule protégée par un épais tissu. Rapidement il déposait la glace dans le bac en zinc à l’intérieur de la glacière.
Ensuite venait le laitier. D’abord avec une charrette tirée par des chevaux plus tard avec un camion.
La camionnette du boulanger venait en dernier. Le conducteur que l’on appelait « Belette » à cause de sa rapidité et son agilité, arrêtait le véhicule descendait rapidement, ouvrait la porte arrière, sortait le pain et le livrait lestement dans la boutique. Toujours un petit bonjour, un petit mot ou une nouvelle fraiche sur la vie du bourg.
Comme le facteur il était en première ligne pour connaître la vie de chaque famille. Un journal local en quelques sortes. Le garde-champêtre avec son tambour annonçait les nouvelles officielles.
Comment peut-on imaginer que tout ce monde ait disparu à peine en 50 ans.
 
La cloche de la Grosse cloche sonna la libération de Bordeaux le 28 août 1944. Comme à Paris les allemands avaient donné l’ordre de brûler la ville et comme à Paris elle fut sauvée par un allemand.
Cependant les rationnements continuèrent jusqu’en 1949, l’Estuaire de la Gironde  encombré d’épaves était impraticable.
Un allemand qui n’avait pas pu rejoindre sa compagnie s’enfuit sur le vélo de mon père.
A Lormont aussi il y eu la terrible cérémonie des femmes tondues. Mon père était contre cette barbarie disant que l’on ne connaissait pas l’histoire de ces femmes ….
Au cours des repas les discussions tournaient souvent autour des souvenirs des mauvais jours.
Mais la vie devait reprendre malgré les drames, les morts, les disparus et les ruines.
 
L’armistice fut signé le 8 mai 1945. La guerre était finie.
 
Je venais d’avoir 2 ans et en septembre j’entrais à la maternelle.
 
Je n’avais qu’à traverser la rue. Le grand bâtiment abritait la mairie, la maternelle, l’école des filles et deux logements de fonction. L’école des garçons se trouvait à l’arrière, un grand mur séparait les deux établissements. J’étais heureuse de retrouver mes camarades du quartier mais aussi d’autres enfants venant de plus loin.
Mes parents m’ont rapidement laissé une grande liberté. Je pouvais aller jouer chez les copains et copines ou bien avec eux dans le quartier. Nous ne risquions rien, les adultes veillaient sur les enfants et gare à celui qui se faisait prendre en train de faire une bêtise.
Enfant unique et solitaire mes parents avaient compris que très pris par leur travail j’avais besoin de vie sociale.
J’allais donc avec grand bonheur passer beaucoup de temps chez les autres.
Je n’avais pas de grands-parents, tous morts avant ma naissance, enfin presque puisque que j’ai découvert il y a peu que mon grand-père paternel était mort alors que j’avais 5 ans. Mais c’est une autre histoire.
J’ai gardé de ces moments de vie dans d’autres maisons un sens de l’observation que je m’appliquais à entretenir. J’étais capable de remarquer le moindre changement et je les traquais : un objet déplacé, une nouvelle nappe, un outil manquant dans l’atelier de mon oncle …
C’était devenu un jeu qui au fil du temps est devenu parfois un inconvénient.
  
En 1948 mon père fit une déclaration solennelle :
 
« Je ne ferai plus l’épicier, je vais faire du cinéma » !
 
 
                                                                             A suivre …
                                                                               


Propriétaire : C. Bros-Rouquette  Support Technique J-P Perrault

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