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Le Familia

Le confort qui nous attendait dans notre nouvelle demeure était assez moderne pour l’époque.
Une belle cuisinière à charbon, blanche, trônait dans la cuisine, un évier avec l’eau courante et sur une petite console  le poste de radio.
Il diffusait des informations ou des retransmissions sportives mais ce que j’aimais le plus c’était les chansons.
Certaines étaient reprises en cœur dans les repas de famille, les communions, les mariages. Tout était prétexte à chanter dans ces années d’après-guerre.
Quelques années auparavant mon père avait fabriqué un poste à galène. Mystère, mystère !
 
La chambre de mes parents était tapissée de rose, la  tapisserie de ma chambre représentait des bergers et des bergères en compagnie de leurs moutons. Si j’avais du mal à m’endormir je regardais avec insistance tous ces jolis dessins à tel point qu’ils sont ancrés dans ma mémoire.
Il y avait aussi une grande pièce servant de salle à manger et de bureau où trônait le téléphone (voir mon récit « l’année de mes sept ans ») et dans un coin la machine à coudre à pédales Singer. Il y avait surtout une salle de bain. Pas de baignoire ni de douche mais un lavabo et un bidet ce qui était un super progrès pour l’époque.
 
Pour aller à l’extérieur on sortait d’abord dans une cour. A la fin du printemps maman disposait sur les marches de l’escalier des pots de géraniums rouges. Dany et moi prenions ces pétales et en les humectant légèrement on les disposait sur nos ongles. C’était du plus bel effet.
On accédait alors dans la salle de cinéma sombre et triste lorsqu’il n’y avait pas de projection. Les premières fois, maman m’accompagnait pour faire le trajet cela me rassurait. Puis, on m’expliqua qu’il n’y avait rien à craindre, je devais simplement allumer l’interrupteur pour obtenir une lumière suffisante pour arriver à la sortie.
La salle de cinéma contenait à peu près 200 fauteuils à claquettes. L’assise avait un léger rembourrage rouge.
  
Un numéro en laiton était vissé à l’arrière du dossier. Au bout du rang il y avait un strapontin.
Sur les murs des panneaux en fibre végétale brute permettaient une bonne acoustique. Près de l’entrée, qui était en réalité le fond de la salle, une petite estrade d’une vingtaine de fauteuils était le coin favori des amoureux.
La cabine de projection faisait face à la caisse. Une fenêtre donnait sur le trottoir.  Les soirs d’été elle restait ouverte et les passants pouvaient discuter avec l’opérateur et « écouter » le film.
Ma chambre se trouvait au-dessus de la cabine, moi aussi  je pouvais entendre les sons, la musique, je n’étais pas autorisée à regarder tous les films.
J’aimais bien regarder mon père lorsqu’il faisait l’opérateur.
Le côté technique ne m’intéressait pas beaucoup mais j’observais ses gestes, il était toujours en mouvement.
 
Il y avait tout d’abord la bobine du documentaire, puis celle des actualités de la Métro Goldwyn Mayer et son lion qui rugissait puis après l’entracte les deux bobines du film qui le partageait en deux parties. Il fallait surveiller sans cesse les tubes de charbon qui chauffaient l’arc. Ils devaient avoir un même écart pour que la lumière soit la meilleure possible sur l’écran. Si les charbons se rapprochaient trop la pellicule s’enflammait. Il fallait vite arrêter la projection couper et recoller le morceau. On entendait alors des « oh » dans la salle mais jamais de réclamation.

A l’entracte, un tourne-disque diffusait une musique d’ambiance. Il fallait placer délicatement l’aiguille sur le microsillon (78 tours). J’aimais prendre cette initiative.
Quelques fois il y avait une attraction sur scène.
 
Je me souviens d’un ventriloque qui faisait parler un petit personnage placé sur ses genoux. Je n’en revenais pas, j’étais fascinée. Plus tard, j’essayais de faire pareil avec ma poupée mais ça n’a pas marché. Il y avait un truc c’était sûr.
L’hiver, quelques heures avant la projection maman et moi venions allumer le grand poêle. Il fallait beaucoup de seaux à charbon pour obtenir une température décente.
Sous le porche on punaisait les photos du film. Certaines étaient vraiment très abîmées.
J’aimais accompagner mes parents lorsqu’ils allaient faire leurs courses à Bordeaux. On se rendait chez un grossiste en confiserie. En ouvrant la porte les odeurs sucrées vous montaient aux narines, j’en ai encore aujourd’hui un souvenir olfactif intact. Une immense table rectangulaire permettait aux vendeurs de présenter les bonbons placés dans des boîtes qui se trouvaient derrière eux sur des étagères. Les acidulés, les caramels, berlingots, toutes formes, toutes couleurs.
Mes parents faisaient leur choix.
Au moment de Noël c’était l’odeur du chocolat qui dominait dans le magasin : boules à la crème, pralines mais aussi des boîtes de dragées. Un paradis !
Je repartais toujours avec une friandise.
Arrivés à la maison, maman disposait sur la table de la cuisine les bonbons par catégorie, les petites poches transparentes et les attaches.
Dany et moi étions chargés du travail : on plaçait dans les sachets un caramel, un acidulé … et on refermait délicatement le tout. Les sachets étaient ensuite placés dans la panière.
 
Que de souvenirs !
 
Les copains me disaient et me diront longtemps :
 
« Tu en as de la chance de pouvoir voir les films que tu veux ». Il n’y avait pas que des avantages il y avait aussi les inconvénients.
Mon père partait tous les soirs pour donner du bonheur aux gens des villages et en fin de semaine mes parents étaient pris par le Familia.
Notre vie de famille était comme ça.
Enfant unique et sans grands-parents je pense avoir acquis une force de cette solitude.
 
Je grandissais. Mes résultats scolaires étaient en dents de scie. La punition était toute trouvée : j’étais privée de cinéma.
 
Une fois elle dura un mois …
 
En dehors des jours de classe et des devoirs du soir je jouais avec les enfants du quartier. Mes meilleures amies s’appelaient Lydie et Dany. Il y avait aussi Dédé le fils du cafetier. C’est dans ce bar que j’ai appris à jouer aux dames.
On jouait sur le trottoir à la marelle, aux osselets et bien d’autres jeux qui occupaient nos journées.
Les maisons étaient ouvertes, on allait chez les uns et les autres, nos parents ne nous cherchaient pas. On rentrait chez nous pour manger et dormir.
 
Lormont était une très jolie petite ville, bâtie à flanc de colline entourée de châteaux plus beaux et plus grands les uns que les autres. Nous partions dans les chemins creux pour jouer. A la saison nous ramassions des mûres sur le chemin Lavergne où de l’autre côté du grillage paissaient des vaches
Dans le chemin vert on attrapait des hannetons. On  attachait un fil à une de leurs pattes et on les faisait voler. Gare aux cheveux !
On s’aventurait sur le chemin du Pimpin qui menait aux quais.
Le fleuve nous impressionnait. On avait assisté avec la classe  au lancement d’un bateau. Un souvenir très présent dans ma mémoire.
 
Venait le temps des grandes vacances. Les enseignants se donnaient beaucoup de mal pour renouveler chaque année le spectacle. Les costumes étaient réalisés par les mamans.
Il y avait aussi « les lendits » gymnastique rythmique. Le spectacle dirigé de main de maître par Mr. Broucaret avait lieu sur le stade. Nous étions habillés de short bleu marine, chemisier blanc et portions un petit carré de tissu bleu accroché par un élastique au petit doigt.
Mais hélas ensuite je me retrouvais seule, beaucoup de mes copains partaient au centre aéré. L’école fermée, le village s’endormait doucement dans la chaleur estivale.
Mes parents avaient d’autres projets pour moi.
Il y avait les vacances dans notre maison de Lacanau, dans la « villa Monette » à Sadirac et surtout les merveilleux séjours chez Tonton Marc et Tantine Henriette, ma marraine.
Décrire ces souvenirs fait prendre conscience du monde libre, sécurisé et joyeux dans lequel nous avons vécu. Rares étaient ceux qui aller voir si « l’herbe était plus verte ailleurs ». C’est pourquoi des liens forts se sont tissés entre nous qui nous rattachent si fort à notre village.
 
                                                                 A suivre …

Propriétaire : C. Bros-Rouquette  Support Technique J-P Perrault

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