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Le cinéma de papa

Papa était né le 5 février 1913 à Villeneuve d’Aveyron petite ville médiévale située à 12 km de Villefranche de Rouergue dans l’Aveyron.
D’après mes dernières recherches tous mes ancêtres paternels sont issus de cette région dans un rayon de 5 km autour de Villeneuve. Il est vrai qu’à cette époque on voyageait peu.
Dernier d’une fratrie de trois garçons mon père eut la chance d’aller à l’école. Ses frères avaient été « placés » dans des fermes à l’âge de neuf ans. Mais l’instituteur devant les capacités prometteuses de l’élève vint trouver mes grands-parents et leur dit :
-     Celui-là doit passer le certificat d’études.
Ce qui fut fait. Quelques jours avant l’épreuve, mon grand-père fit une promesse : « si tu réussis, je t’offrirai une montre ». Stupéfaction devant ce cadeau prometteur car le seul que mon père n’ait jamais reçu était une orange le soir de Noël.
L’élève réussit brillamment son examen et reçu les félicitations de l’instituteur et … une orange. Point de montre !
La déception étreignait encore la gorge de mon père lorsqu’il me racontait cette histoire en concluant : « depuis, je n’ai jamais rien promis que je ne pouvais tenir ».
De l’enfance de mon père je sais peu de choses. Mes grands-parents possédaient une petite maison près de la porte haute. Ils avaient une charrette conduite par un cheval et faisaient les marchés. Il devait donc y avoir un peu plus loin une grange et un lopin de terre.
Lorsque mon père se levait pour aller à l’école, ses parents étaient déjà partis. Il allumait alors un maigre feu dans la cheminée afin de faire cuire un œuf accompagné d’un « quignon » de pain. Les conditions de vie étaient difficiles. Ses frères étant déjà partis de la maison, mon père vécu pratiquement seul jusqu’à son départ en apprentissage.
Le climat était rude dans cette partie du département. L’hiver, les rues étaient glacées, les caniveaux représentaient un formidable terrain de jeu. La bande de copains glissaient à l’aide des clous situés sous leurs galoches.
Malgré tout, Frénou (diminutif d’Alfred) n’avait pas la nostalgie triste. Il aimait son village et nous ne manquions jamais d’y venir passer quelques jours parmi ses amis et la famille.
 
Son diplôme en main il partit en apprentissage à Capdenac où résidait sa tante, sœur de sa mère, chez Monsieur Dijoux qui possédait un magasin de cuir. Il obtint ainsi son diplôme de bourrelier. Mais parallèlement, curieux de tout, il découvrit cet étrange spectacle qui diffusait des images sur un écran. Il se fit embaucher comme opérateur pour compléter son maigre salaire de bourrelier. L’appareil possédait une manivelle et mon père racontait que lorsqu’il avait un rendez-vous galant il tournait un peu plus vite le mécanisme tout en respectant le fil de l’histoire.
C’est de cette époque que lui vint le goût de « faire du cinéma » comme il disait.
 
                                                                       le projecteur à manivelle
 
Un drame survint alors qu’il avait 19 ans. Sa mère mourut en tombant de la fenêtre du grenier alors qu’elle y rentrait le foin.
Mon père ne parlait jamais de cet épisode. Sauf un jour, alors que nous étions en vacances à Villeneuve. Il a sans doute pensait que j’étais en âge de comprendre. Devant la maison qui n’appartenait plus à la famille et dont toutes les fenêtres étaient fermées, sauf celle du grenier, il me dit :
« Tu vois, c’est de là que ta grand-mère est tombée ».
Je ne posais pas de question mais dans ma tête de petite fille je me demandais bien comment une grande personne pouvait être aussi étourdie pour tomber de là-haut.
Nous n’allions jamais sur la tombe de mes grands-parents et ce n’est qu’en faisant des recherches généalogiques que j’ai découvert qu’il n’y en avait pas. Que sont devenus mes grands-parents ? Tellement de questions qui resteront sans réponse.

C’est à la suite du décès de sa mère que mon père, dans un désir d’aventure, peut-être, se retrouva à Créon dans le bordelais, pour faire « le mitron » et où il rencontra ma mère. Il disait souvent : « ils partent tous dans les mines ou à Paris, moi j’ai voulu voir autre chose ».

Mais revenons en 1948. Mes parents avaient acheté un bâtiment contigüe à l’épicerie qui avait été autrefois une ginguette et qui avait servi de refuge pendant la guerre. C’était une  grande salle très haute de plafond avec une grande scène dans le fond.
Des travaux furent entrepris pour créer au rez-de-chaussée une salle de cinéma et à l’étage un appartement.
Parallèlement, mon oncle Henri, frère ainé de mon père et sa troisième épouse ont pris le relais à l’épicerie.
Mon père avait acquis du matériel pour « faire du cinéma » dans les communes environnantes.
C’est alors que notre vie a été bouleversée. Dans sa Juva 4 qui avait servi à faire le marché aux Capucins, étaient rangés l’appareil de projection, les bobines de film, la boîte de charbons, la colleuse, une caisse à outils pour la voiture dont les pannes étaient très fréquentes, sans oublier la panière à bonbons. Il fallait éviter de rester en rade sur les routes de campagne le soir après la séance, aucune voiture n’y circulait.

Quelques fois, j’accompagnais mon père avec une certaine fierté.
Je l’aidais à monter et démonter le matériel, j’aidais à couper les tickets d’entrée et à la vente des bonbons.
Les projections se faisaient dans des endroits totalement différents les uns des autres. Souvent dans les arrières salles de café où un simple drap était tendu, pas de cabine, des bancs et quelques chaises, un poêle que l’on allumait par grand froid. Il ne fallait pas se mettre près de l’appareil à cause de son bruit assourdissant.
Dans certaines communes cela se passait dans la salle des fêtes comme à la Grave d’Ambarès (aujourd’hui Ambarès et Lagrave) il y avait des rangées de fauteuils à claquettes, un balcon et au-dessus la salle de projection avec les fenêtres nécessaires mais pas de vitre ce qui laissait passer le bruit du moteur.
Le public venait nombreux pour découvrir ce nouveau spectacle où l’image venait à eux comme par magie.
Ils arrivaient en famille, parents, enfants, grands-pères, grands-mères. Ils apportaient avec eux leur siège, leur couverture. L’ambiance était bon enfant et pendant la projection ils riaient spontanément aux facéties de Laurel et Hardy et de Charlie Chaplin ou aux exploits de Robin des bois. Ils s’en allaient ensuite par les rues du village pour retrouver leur maison en se remémorant les meilleurs moments du film.
Il était temps alors de démonter le matériel, de faire un peu de ménage et d’aller régler la location de la salle auprès du cafetier en buvant un verre, pour moi une grenadine. Avant le départ mon père collait sur un panneau l’affiche du film de la semaine suivante et on reprenait la route vers la maison.
 
                                                                           A suivre …
Propriétaire : C. Bros-Rouquette  Support Technique J-P Perrault

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