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La blanchisserie
 
Lors de l’achat de l’immeuble qui est devenu le cinéma « Familia » et notre appartement, il y eut promesse de vente de celui de « l’Aquitaine » qui appartenait à la même propriétaire, Mme Martin.
L’acte fut passé en 1950 et la Ste Aquitaine devint locataire de mes parents.
Mon père, toujours à l’affût du moindre progrès, avait entendu dire qu’il existait des lave-linge professionnels.
 
C’était tout à fait nouveau car cette tâche ménagère se faisait dans les lavoirs municipaux, formidable lieu de rendez-vous pour les papotages ou les commérages. Les lavandières portaient le linge dans des brouettes et à l’aide d’un battoir tapaient fortement sur les tissus savonneux. Il y avait plusieurs bassins pour les rinçages successifs.
Certaines maisons possédaient leur propre bassin en pierre, c’était le cas chez nous, ce qui n’empêchait pas d’utiliser le lavoir  municipal pour les grosses pièces comme les draps par exemple.
Grâce à de nombreuses sources, il existait 9 lavoirs dans Lormont, chaque quartier avait le sien.
Le plus célèbre et le plus typique est le lavoir Blanchereau qui date du XV° ou XVI° siècle. Il a bénéficié de la Mission Bern pour sa restauration.
Quatre autres ont été restaurés, dont celui de mon enfance. Il existe une visite guidée de ces cinq lavoirs.
 
                                                                  Le lavoir Blanchereau                  
 
 
Pour mener à bien la nouvelle entreprise, mes parents ont installé les machines « Bendix » dans notre ancienne salle à manger de l’épicerie. La pièce bénéficiait d’une grande ouverture donnant sur le trottoir. En entrant à droite trônaient cinq machines avec leur gros hublot.
Un grand comptoir permettait aux clients de poser leur linge. Et derrière le comptoir des étagères sur lesquelles maman déposait des panières en osier qui contenaient le linge propre.
 
Les machines pourtant très modernes n’étaient pas complètement automatiques, elles ne rinçaient pas.
 
                                
 
 
Il fallait alors sortir le linge et passer dans l’arrière salle où se trouvait un gros lavoir en pierre.
Dans ce même local une très grosse machine bleue brassait les draps dans un bruit assourdissant.
Les draps étaient ensuite mis à sécher sur des fils tendus dans une mezzanine.
Une fois secs ils étaient déposés dans notre ancienne cuisine, attenante à la boutique, qui avait été transformée en salle de repassage.
Les draps étaient en lin ou en « métis », ceux de « dessus » étaient tous brodés avec de beaux motifs blancs. Les monogrammes s’entrelaçaient joliment et l’on pouvait admirer le travail plus ou moins remarquable des brodeuses.
 
Le pliage de ces draps était particulièrement précis, cela demande une petite explication :
Le but était que le monogramme soit placé sur le dessus du drap une fois plié pour la mettre en valeur.
Il fallait être deux pour menait à bien cette opération. Mon père ou moi, malgré mon jeune âge, étions tout désignés.
 
Une fois que maman eut bien repassé la tête du drap, il fallait le tenir bien tendu.
Le drap devait se plier en trois parties égales dans sa longueur.
On soulevait la jambe qui nous servait d’appui et on rabattait le côté droit au deux-tiers et ensuite le côté gauche.
« Est-ce que vous suivez ? »
Chacun alors tirait bien de son côté pour ne pas faire de plis.  Puis l’un des deux partenaires s’avançait vers l’autre pour un pliage en passant ses deux bras dans l’intervalle pour à nouveau tendre le tissu.
A ce moment-là maman posait le tout sur la table de repassage, effectuait le dernier pliage et voilà le monogramme apparaissait magnifique.
Maman avait gardé de cette époque cette pratique si particulière. Bien que devenue experte « es plieuse de draps » jusqu’à mon départ de la maison de mes parents pour cause de mariage, je n’ai pas pu trouver de partenaire, ni mari ni enfants n’ont  été sensibles à cette technique.
J’ai ma propre méthode et tant pis si le monogramme n’est pas en bonne place.
 
Le succès du magasin fut immédiat.
 
Mais, hélas, notre vie de famille devint alors bien compliquée.
Mon père se levait très tôt. Il faisait le tour des hôtels pour prendre le linge ou le livrer, toujours avec la Juva 4.
Ma mère tenait le magasin toute la journée, le soir mon père repartait faire le cinéma ambulant et le Week-end ils s’occupaient tous les deux du « Familia ».
 
Je ne les voyais plus ou presque. Je m’adaptais tant bien que mal et mon indépendance s’affirmait.
 
Mon temps se partageait entre l’école, les copains et mes visites chez Monette et Albert, ma seconde famille. Jean-Claude, leur fils, de cinq ans mon ainé, me taquinait mais nous nous aimions beaucoup comme frère et sœur.
Je passais avec lui des vacances chez ses grands-parents à Sadirac dans la « villa Monette » où j’avais fait mes premiers pas pendant la guerre.
Je considérais Mémé Nande et Pépé Edouard comme mes grands-parents. Mais un jour, je devais avoir 4 ou 5 ans, nous étions tous réunis dans le jardin. Au cours d’une dispute, que j’avais peut-être provoquée, Jean-Claude me cria avec rage « de toutes façons ce ne sont pas tes grands-parents ». Je fus saisie de panique et je fondis en larmes.
 
Jean-Claude reçut de la part de sa mère une gifle magistrale.
On m’expliqua le pourquoi et le comment des choses. Je fus aussitôt rassurée. Je compris le mot « adoption ».
Jean-Claude, tout penaud, me fit une grosse bise sur la joue et nous sommes retournés à nos jeux.
 
Pépé Edouard était chasseur mais il posait également des pièges pour les petits oiseaux. Nous étions chargés de trouver des insectes que le grand-père où Jean-Claude plaçaient délicatement sur les pièges. Ils partaient ensuite les poser dans des endroits strictement confidentiels.
 
Les soirs d’orage, on s’équipait de bottes et d’imperméables. Munis d’un seau ou du panier à salade on ramassait les petits gris. On n’allait pas loin, autour de la maison puis dans le petit chemin qui menait au petit pont où coulait la Pimpine. Enfermés dans un sac, Pépé Edouard venait y jeter les chatons, à peine nés. Pour consoler mon gros chagrin il me disait qu’il ne pouvait pas garder tous les chats mais rien n’y faisait j’avais le cœur gros.
 
Après avoir fait jeûner les gastéropodes, Mémé Nande les cuisinait « à la bordelaise », c’est-à-dire dans une sauce à base de ventrèche ou de jambon.
Les parents étaient invités et autour de la table les convives connaisseurs savouraient « notre récolte ».
 
Quelques fois, papa emmenait son appareil de cinéma. On tendait un drap entre les deux tilleuls. Les voisins arrivaient avec leur chaise, le matériel installé sur le trottoir de la maison projetait un film comique. On riait de bon cœur.
Cette maison n’avait absolument aucun confort, on faisait la vaisselle dehors sur une table dans une bassine. On allait chercher l’eau, à l’aide d’un broc, au puits qui se trouvait de l’autre côté de la route et si le puits était tari on allait chez Mme Derniche quelques mètres plus haut.
Dans la pièce qui servait de cuisine, une cheminée dont le foyer se trouvait au sol. Un chaudron pendait à la crémaillère dans lequel fumait en permanence une soupe.
 
Le seul modernisme était le très gros poste de radio. Pépé Edouard tirait une chaise et collait son oreille contre le haut-parleur pour écouter …. Je ne sais pas trop quoi.
 
Jean-Claude et moi dormions dans la chambre des grands-parents. Il y avait tous les soirs un cérémonial. Nous attendions que le couple soit dans le lit pour entrer à notre tour, nous déshabiller dans la pénombre et nous glisser dans nos petits lits dans des draps rugueux.
Dormir était difficile car Pépé Edouard ronflait tellement qu’on devait l’entendre jusque dans le bourg situé à plus d’un kilomètre.
 
Pendant que Jean-Claude courrait les chemins avec ses copains, Mémé Nande m’apprenait à chanter. Elle avait une jolie voix haut perchée. On chantait les chansons du moment : « une chanson douce » d’Henri Salvador, ou « Sombrero et Mantilles » de Rina Kety. Mais elle chantait aussi des berceuses de son enfance.
Le soir on allait dans le pré ramasser l’herbe pour les lapins. Mémé Nande remontait son tablier pour en faire un récipient et une fois bien rempli on distribuait la nourriture dans les cages en faisant bien attention que les lapins ne s’échappent pas. On donnait aussi de l’herbe à Biquette ,la chèvre, dont la barbichette  touchait mon front.
 
La Villa Monette, malgré sa modestie, était une auberge espagnole. La porte était ouverte en permanence pour famille, amis ou simples connaissances. Pendant la guerre elle fut un refuge pour ma mère et moi mais pas seulement pour nous.
Les vendanges ou l’ouverture de la chasse étaient les points culminants de ces rencontres.
 
On plumait, on plumait …
 
On dit qu’il ne faut jamais revenir sur les lieux de son enfance.
Pourtant c’est que j’ai fait il y a quelques années alors que tous les protagonistes avaient disparu.
Il y avait toujours l’inscription « Villa Monette ». Un couple s’interrogeait sur ma curiosité … les tilleuls avaient disparu …
Je remontais le chemin en passant devant chez Louise, devant la maison de Mme Derniche, le chai de Pépé Edouard où je revoyais Jean-Claude, pieds nus, dans le raisin pour le fouler, riant à gorge déployée, la ferme de Mr. et Mme Martin en me demandant ce qu’était devenue Nicole, leur fille…
 
J’ai poussé jusqu’au bourg et enfin jusqu’au cimetière pour aller remercier Pépé Edouard, Mémé Nande, Monette et Albert de tout l’amour qu’ils m’avaient donné.
  
Et j’ai fermé la page.
 
                                                              A suivre …
 


Propriétaire : C. Bros-Rouquette  Support Technique J-P Perrault

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